Très curieusement, dans l’affaire #Mawda, il semble que la démission des ministres compétents — Jan Jambon, ministre de l’Intérieur, et Théo Francken, secrétaire d’État à l’Asile et aux Migrations — ne soit déjà plus à l’ordre du jour. Et ceux qui continuent à la réclamer se font à présent accuser par le MR et ses proches, non sans une certaine véhémence, de « récupération politique ».
La presse, quant à elle, prenant son courage à deux mains, semble estimer qu’il est urgent d’attendre. Christian Carpentier, dans Sud Presse, s’inquiète ainsi du « danger à réclamer d’emblée des démissions ou à mettre en cause la crédibilité des institutions dans ce moment d’intense émotion ». Béatrice Delvaux, dans Le Soir, qui prend enfin acte de l’inacceptable après plusieurs jours d’une couverture de l’affaire selon une ligne extrêmement gouvernementale, ne dit pourtant pas autre chose : « En démocratie, chaque responsabilité doit être considérée individuellement, au regard des lois existantes et non des jugements subjectifs portés sur une réalité. »
Cette lecture est particulièrement discutable. La responsabilité politique n’a en effet rien à voir avec la responsabilité pénale. Cette dernière, de fait, découle d’actes précis qui ont été posés ou ne l’ont pas été — et elle ne peut être établie qu’au terme d’une enquête à charge et à décharge, conduite selon des règles de procédure précises et dans le respect des droits de la défense.
Il en va tout autrement de la responsabilité politique, qui consiste à prendre acte d’un dysfonctionnement grave. La responsabilité politique n’est pas une responsabilité personnelle. Personne ne pense que Stephan Declerck et Johan Vande Lanotte étaient directement, matériellement, responsables de l’évasion de Dutroux (lequel a d’ailleurs été rapidement repris, en sorte que les conséquences de cet épisode furent très limitées). Ils n’ont pourtant pas attendu qu’une enquête circonstanciée ait été diligentée pour remettre leur démission. De même Louis Tobback démissionna-t-il dans les heures qui suivirent l’homicide de Sémira Adamu par des policiers.
Mieux encore : lorsque Charles-Ferdinand Nothomb refusa de démissionner, après la catastrophe du Heysel, Jean Gol et tous les ministres libéraux présentèrent leur démission en signe de protestation (elle fut cependant refusée par le roi).
Ont-ils oublié l’exemple de Jean Gol, les libéraux d’aujourd’hui qui crient à la récupération politique face à celles et ceux qui demandent, comme cela devrait être l’évidence, que le meurtre d’une fillette de deux ans par un tir policier ne reste pas sans suites ?
Photo principale : conférence de presse de la famille de Mawda. Illustration sans doute involontaire du mépris dans lequel ces personnes sont tenues et du relativisme ambiant, leur propos est ramené à un simple « point de vue ».
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