L’Opérateur de transport wallon (OTW) vient d’annoncer sa nouvelle grille tarifaire pour 2026. Au menu ? Une « simplification » ! On pourrait se réjouir, sauf que… pas du tout. Voyons cela.
Jusqu’à présent, le TEC proposait des titres de transports (tickets unitaires, tickets multivoyages ou abonnements) principalement de deux types : NEXT et HORIZON. Les premiers pour les voyages dans deux zones contiguës maximum (soit l’essentiel des déplacements et la quasi-totalité des déplacements en milieu urbain). Les seconds pour tout le réseau (à l’exception des lignes express). Évidemment, les tarifs n’étaient pas les mêmes : 332,30 EUR pour l’abonnement annuel plein tarif NEXT contre 417,60 EUR pour la formule HORIZON (illustration : la grille tarifaire actuelle pour les abonnements).
Désormais, ces titres seront fusionnés en un tarif unique dit CLASSIC, valable sur l’ensemble du réseau.
L’abonnement annuel coûtera 420 EUR, soit une augmentation de plus de 26% pour les urbains.
Le ticket unitaire est actuellement à 2,2 EUR en NEXT et 3,10 en HORIZON. Il passera à 2,80 EUR (pour un simple voyage !), soit une augmentation de plus de 27% pour les urbains.
Quand au ticket NEXT 8 voyages — le titre de transport le plus utilisé par les voyageurs réguliers mais pas quotidiens —, qui coûte actuellement 9,40 EUR (soit 1,175 EUR par voyage) tandis que le ticket HORIZON 6 voyages coûte 14,10 EUR (soit 2,35 EUR par voyage), il coûtera désormais 13,4 EUR, mais pour seulement 6 voyages, soit un quasiment doublement du prix. C’est juste affolant.
Bref : la majorité des usagers — et en particulier presque tous les urbains — vont désormais payer BEAUCOUP plus cher, alors même que le service par passager en milieu urbain coûte BEAUCOUP moins cher à la collectivité par passager transporté qu’en milieu rural (où les distances sont nettement plus longues et les bus en moyenne moins remplis).
C’est peu dire que la pilule est amère pour les Liégeoises et les Liégeois, qui après avoir vu le service de bus dans l’agglomération très fortement réduit depuis la mise en service du nouveau réseau, en avril dernier (avec une réduction de l’offre de l’ordre de 30% sur les lignes urbaines et de multiples autres problèmes : correspondances plus nombreuses et mal organisées, suppression des services tôt le matin et tard le soir, etc) vont désormais devoir payer ce service dégradé près de 30% plus cher. Cherchez l’erreur !
C’est à se demander si le TEC n’a pas décidé de résoudre les problèmes de surcharge de son réseau liégeois en poussant ses usagers à choisir d’autres modes de transport.
Sous prétexte de simplification, c’est donc un véritable hold-up dont l’OTW et le gouvernement wallon viennent de décider, en imposant aux urbains une augmentation de tarif dix à douze fois supérieure à l’inflation, en organisant une fois de plus un transfert économique des villes vers le péri-urbain et le rural. La Wallonie continue à fragiliser ses villes et la population en moyenne plus pauvre qui y vit — ce qui lui permettra probablement de stigmatiser un peu plus encore cette pauvreté. C’est insupportable.
*
Suite, le lendemain
La moitié des gens que j’ai croisés aujourd’hui m’ont parlé de l’augmentation des tarifs du TEC, après mon post d’hier et l’article dans La Meuse de ce jour. Absolument personne ne comprend que dans une ville qui a autant de problèmes de mobilité que Liège, la Wallonie décide d’une augmentation aussi forte des tarifs — pour rappel, sous prétexte de « simplification » et d’« harmonisation », le TEC a décidé d’augmenter les tarifs urbains, appelés NEXT, de 26% (pour les abonnements) à 90% (pour les tickets Multi) à partir du 1er février. Notez : ce post est centré sur Liège, mais les Namurois, les Verviétois ou les Carolos sont dans le même panier.
Un élément m’a frappé dans les conversations du jour : TOUTES ces personnes m’ont dit utiliser les tickets « NEXT multi », qui coûtent actuellement 9,40 EUR pour 8 voyages et dont le prix (par voyage) va presque doubler (prix annoncé : 13,40 EUR pour… 6 voyages). Ces personnes pratiquent une mobilité diversifiée, associant très souvent le train, le vélo, la voiture. Le bus est un élément parmi d’autres. Quand on fait 4 ou 5 déplacements par semaine en bus, il n’est pas (du tout) intéressant d’acheter un abonnement. Le ticket multi, c’est vraiment le titre de transport multimodal par excellence.
Que vont faire ces personnes ? Probablement vont-elles moins utiliser le bus, tout simplement. C’est terrible à dire, mais je suis désormais convaincu que c’est l’objectif assumé du TEC et du gouvernement des droites : plutôt que de répondre à la surcharge des lignes liégeoises en augmentant l’offre, comme cela devrait être évident, les dirigeants de cette organisation (peut-on encore parler de service public ?) et nos gouvernants MR et Engagés préfèrent dissuader les usagers, les pousser à prendre d’autres modes de transport.
C’est un drame écologique. C’est un drame social. C’est un drame urbain. Dans une grande ville, un système de transport public performant est une nécessité absolue, la condition même du fonctionnement de ses activités, la condition de l’accès de toutes et tous à l’emploi, à l’enseignement, à la formation, à la culture, aux loisirs. La densité urbaine nécessite des moyens de transport collectifs — imaginez Paris sans son métro ! —, même si la Région wallonne ne le comprend pas et prétend traiter l’agglomération de Liège comme des villes dix fois denses et dix fois moins peuplées (en pensant un service au prorata des habitants et non au prorata des usagers).
Je note cependant que les réactions à cette folle augmentation de tarif sont plus faibles que je ne l’escomptais. Sans doute en partie parce que la communication du TEC a bien noyé le poisson (quand on parle de « simplification » plutôt que d’augmentation des tarifs, il faut être fort attentif pour comprendre l’enroule), peut-être parce que nous sommes en période de vacances scolaires (on annonce toujours les mauvaises nouvelles planifiées pendant les vacances scolaires), probablement parce que nous sommes tous assommés par l’amoncellement des mesures antisociales et qu’on ne parvient plus à répondre sur tout. Il n’empêche : ce qui se dessine est gravissime. Nous gagnerions à nous en préoccuper au plus vite.
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