Accueil > Interventions > Le blog > 100 hectares pour 100 emplois ? Quel avenir pour le territoire wallon selon (...)

Blog

100 hectares pour 100 emplois ? Quel avenir pour le territoire wallon selon l’AWEx ?

Le journal L’Echo rend compte ce mardi des préoccupations de l’Agence wallonne à l’exportation (AWEx) au sujet de la disponibilités de terrains à vocation économique en Wallonie et « particulièrement » à Liège.

« Une grande multinationale américaine dans le secteur de l’informatique, nous explique le journaliste François-Xavier Lefèvre, est venue frapper à la porte de la Wallonie il y a deux mois pour acquérir un terrain de 100 hectares afin d’y implanter un data center et créer une centaine d’emplois. Elle est repartie bredouille. »

Et l’AWEx de s’alarmer et d’expliquer que sans terrains de très grande dimension disponibles immédiatement, nous ne pourrons plus accueillir des multinationales en Wallonie, et cela, précise-t-on, « même si demain, le coût du travail est moindre et même si la flexibilité augmente » (!).

Cette position témoigne d’un imaginaire qui reste très présent en Wallonie, selon lequel le foncier est une ressource abondante, qui peut être utilisée à l’envi. Il suffit pourtant d’extrapoler cet exemple (certes extrême) pour se rendre compte qu’il n’en est rien : si le ratio de 100 hectares pour 100 emplois devait devenir la norme, il faudrait en effet consacrer à l’activité économique de l’ordre de 1,5 millions d’hectares en Wallonie, soit quasiment tout le territoire wallon (1,68 millions d’hectares), qui est déjà largement urbanisé. Nous sommes par exemple passés largement sous la barre des 900.000 hectares de terres agricoles, et leur nombre de cesse de diminuer, année après année, de façon inquiétante, menaçant clairement notre souveraineté alimentaire.

Il est grand temps de se rendre compte que le territoire est une ressource extrêmement précieuse, qui doit être utilisée avec sobriété. Dans le contexte de pression foncière de plus en plus intense, dont le présent épisode témoigne avec acuité, les fonctions économiquement plus fragiles mais vitales comme l’agriculture ou les espaces naturels devraient être sanctuarisés, ce qui est encore loin d’être le cas, comme on le voit, pour ce qui concerne Liège, dans des dossiers comme celui des extensions délirantes de terrains économiques (470 hectares) autour de l’aéroport, dans l’extension (60 ha) prévue du zoning des Hauts-Sarts, dans le projet de reconstruction de la prison de Lantin (qui menace une exploitation bio emblématique) ou encore dans le récent Trilogiport — où là aussi, on s’est rendu compte que le nombre d’emplois créés serait ridicule par rapport aux chiffres annoncés (de l’ordre de quelques centaines au lieu de 2000 annoncés).

C’est d’autant plus vrai qu’il est possible de générer, dans la chaîne économique (production, transformation, distribution), bien plus d’un emploi à l’hectare avec des formes d’agriculture telles que la permaculture. Et ces emplois sont bien souvent de bien meilleure qualité que ceux que proposent les multinationales, en plus de ne pas être délocalisables au gré des humeurs de ces dernières. Enfin, là où un data center a une espérance de vie probable de quelques dizaines d’années — avant de devenir une friche qu’il faudra réhabiliter —, d’autres fonctions préservent l’héritage des générations futures.

Bref : les multinationales qui veulent urbaniser 100 hectares pour créer 100 emplois, nous n’en voulons pas !