Après quatre jours de larmes de crocodile du MR et de complaisance médiatique en boucle — « mais pourquoi tant de haine ? » est devenu le thème central de la matinale de François Heureux et je ne parle même pas de Sud Presse —, il se peut qu’on soit en train d’assister à un retournement marqué du récit des incidents qui ont eu lieu jeudi soir en marge de la soirée d’anniversaire du Centre Jean Gol.
Je me mets au clavier dans un état de grande fatigue. Vous me pardonnerez les coquilles. Je pense qu’il est important que je vous fasse part de ces éléments sans tarder.
Tout d’abord, les éléments se multiplient pour montrer que le MR a cherché à envenimer les choses de toutes les manières possibles. À rebours de la doctrine de la désescalade, professée par la police de Liège (et doctement rappelée ce soir en commission du conseil communal par son chef de corps), il ne fait plus de doute que le tandem Bouchez/DeSalle voulait que ça se passe mal.
Dès le 9 septembre, la police a fait savoir aux organisateurs qu’un déplacement de l’événement vers le Sart Tilman était souhaitable du point de vue du maintien de l’ordre. En effet, le site du XX Août se caractérise par un contexte urbain dense, la multitude des accès possibles, la présence d’un trafic important et de nombreux chantiers (donc de projectiles potentiels). Toutes choses qui augmentaient la difficulté à gérer l’événement et empêchaient l’établissement d’un périmètre de sécurité. Le Centre Jean Gol a refusé à plusieurs reprises, souhaitant mordicus maintenir l’événement dans la salle académique, en sachant très bien, donc, que cela augmentait le risque, notamment pour les policiers présents. Dans le journal Le Soir, Bouchez se justifie comme il peut en arguant que « nous sommes incapables d’évaluer la menace » : on voit que c’est précisément faux, la menace avait été évaluée et une solution proposée, mais c’est lui, Bouchez, qui n’en a pas voulu.
Ensuite, il m’est rapporté (par un témoin impliqué dans la gestion de la crise) que M. Bouchez avait rassemblé ses amis place Cathédrale. Il souhaitait que la place du XX Août soit dégagée des manifestants pour permettre son passage. Cela n’étant pas possible, plutôt que de rejoindre l’université en groupe, ce qui aurait fortement limité les interactions avec les manifestants, il a envoyé ses militants rejoindre la place du XX Août un à un (comme chacun a pu le constater). Bien sûr, cela ne justifie aucunement les comportements violents qui ont été observés (les images identifient 34 auteurs de voies de fait ou de coups, sur un petit millier de manifestants), mais là encore le choix du MR a été celui de l’escalade, de l’huile sur le feu. Là encore, cela a eu pour conséquence d’exposer plus que nécessaire l’intégrité des policiers — dont je rappelle que douze ont été touchés, parmi lesquels sept ont été en arrêt de travail, dont un avec une commotion cérébrale.
Je ne fais que mentionner les autres éléments déjà pointés dans mon post de la semaine dernière, notamment le fait que plusieurs cadres du MR sont venus provoquer la foule, alors qu’un dispositif de barrières Nadar avait été installé pour séparer l’accès à l’université de la zone occupée par les manifestants. Et la stupide provocation consistant à rebaptiser la salle académique en « salle Jean Gol », qui a énervé une bonne part de la communauté universitaire.
Tout cela — et plus largement la terrible violence institutionnelle des gouvernements contre les universités, les fonctionnaires, la liberté de recherche, etc — s’est inévitablement invité dans la traditionnelle séance de rentrée académique de l’Université de Liège, qui avait lieu ce mardi après-midi aux Amphithéâtres de l’Europe. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les orateurs n’y ont pas été avec le dos de la cuillère. Tant Véronique Beauvois, au nom du personnel administratif, technique et ouvrier, que Fabienne Colette pour le corps scientifique et Geoffrey Grandjean, pour le corps académique ont expliqué, de façon posée mais sans concession aucune, les raisons de la colère de l’université face aux décisions régressistes à répétition des gouvernements MR-Engagés (j’essayerai de détailler, parce qu’ils ont dit des choses importantes, mais je fais vite, ce soir).
On se disait que ça en resterait là, mais le discours de la rectrice a pris forme d’exocet, rhabillant M. Bouchez pour plusieurs hivers. Anne-Sophie Nyssen, sous l’hermine, a reproché au MR d’avoir refusé de déplacer l’événement au Sart Tilman, ce qui a eu d’importantes conséquences pour l’université (qui a été obligée de fermer son site du XX Août pendant une après-midi pour garantir la sécurité). Elle a plus que vertement remis à sa place le président du MR après que celui-ci ait, dans un message vidéo posté après la soirée, eu l’invraisemblable culot d’exiger de l’université qu’elle « recadre » ses professeurs qui ont participé à la manifestation — la liberté d’expression selon Bouchez, ça ne vaut que pour les gens qui pensent comme lui. Elle a évoqué Trump. Elle a indiqué que l’université a exigé du centre Jean Gol qu’il rectifie le nom de la salle académique — sans succès puisqu’aujourd’hui encore le site web de l’organisation n’avait pas été modifié. Le compte-rendu que je fais ici est très prudent : si la vidéo est diffusée, vous verrez la force, le courage, la rigueur de ce qui a été exposé. Je ne pensais pas qu’une parole si tranchante fut possible dans un tel contexte.
Ce discours a été interrompu par plusieurs salves d’applaudissement. Et il s’est terminé par une standing ovation : toute la salle était debout. Chose absolument rarissime dans ce genre de moments. Toute la salle ? Pas tout à fait : au premier rang, le ministre Mathieu Bihet, renfrogné, ne savait plus quoi faire. Il a fini par se lever comme tout le monde.
Dès la fin de la séance académique, j’ai dû filer pour rejoindre l’hôtel de ville (et la commission évoquée plus haut), mais les messages qui me sont parvenus depuis la réception qui suivait me parlaient d’euphorie, d’un sentiment de libération, d’une communauté universitaire — je cite un ami professeur qui m’écrit cela — « marchant sur l’eau ». J’aurais bien voulu partager ce moment — c’est rare, les moments de joie politique, ces temps-ci.
Cette journée restera-t-elle comme celle du sursaut face à au bouchéisme ? C’est trop tôt pour le dire. Mais il serait heureux que de nombreuses voix fassent chorus avec celle de notre courageuse rectrice, notamment parce qu’il ne fait pas de doute que le petit caudillo montois cherchera à se venger de l’affront qu’il a subi aujourd’hui. Soyons nombreuses, nombreux à nous lever pour dire : ça suffit !
Les derniers articles publiés sur le site
- Nouveaux tarifs TEC : une énième attaque contre les villes
Blog - 25 octobre 2025 - La casse sociale, une fatalité ?
Blog - 22 octobre 2025 - Sarkozy : puisqu’il faut rappeler les faits
Blog - 21 octobre 2025 - Auditionner l’AOT ?
Question orale - 20 octobre 2025 - Les balles en caoutchouc de Theo Francken
Blog - 16 octobre 2025 - 140.000 ou peut-être bien plus
Blog - 14 octobre 2025 - Attaques coordonnées contre le mouvement antifa
Blog - 6 octobre 2025