Alibaba : un contrat signé en toute incertitude

On se bousculait pour être sur les photos, ce matin, à l’aéroport de Liège. Un véritable aréopage était présent pour assister à la signature du contrat avec la filiale logistique du groupe Alibaba, Cainiao. Même le Premier ministre, en pleine crise gouvernementale, avait fait le déplacement.

Pourtant, les conséquences précises de l’arrivée du géant chinois de l’e-commerce restent largement inconnues du public et les éléments communiqués ce jour ne sont pas de nature à rassurer.

Quel sera l’impact d’Alibaba sur l’emploi wallon ou européen ? Nous l’ignorons. La question ne semble tout simplement pas avoir été étudiée. Le remplacement — dont Alibaba est le fer de lance — d’un tissu économique et commercial local par l’e-commerce transcontinental ne semble guère préoccuper les gouvernements qui étaient représentés ce matin à Bierset.

Même le nombre d’emplois qui seront créés sur place reste totalement imprécis. Le journal L’Echo évoquait en début de semaine 900 emplois directs. Les déclarations de ce jour évoquent « quelques centaines d’emplois ». Et il faut recourir au mirage des emplois indirects pour pouvoir évoquer, sans trop de ridicule, les « milliers » d’emplois évoqués par certains responsables politiques. Rappelons qu’au Trilogiport, 2000 emplois directs étaient annoncés. On sait aujourd’hui qu’on peut — peut-être — espérer le quart de ce nombre (entre-temps des terrains magnifiquement situés ont été utilisés, un paysage splendide a été dévasté).

Combien de camions en plus sur les routes ? Là encore l’incertitude totale prévaut, alors même que les abords de l’aéroport connaissent déjà une situation de saturation fréquente, voire de congestion. Une route de contournement de l’aéroport est annoncée, qui laisse cependant ouverte la question de l’accès vers le plus grand marché européen qu’est l’Allemagne : le tunnel de Cointe comme le ring Nord sont déjà saturés.

Quelle surface de terres artificialisées ? Là encore, les chiffres sont incertains. La société chinoise évoquait il y a quelques semaines un entrepôt de 380.000 m2, soit un besoin d’au moins 50 hectares de terrains bâtissables. L’accord du jour porte sur un terrain de 22 ha.

Combien d’avions en plus, en particulier la nuit ? Le compte Twitter de Liège Airport, particulièrement prolixe en ce jour particulier, indique que les vols de nuit supplémentaires seront peu nombreux. Qu’en est-il exactement ? Si tel est le cas, pourquoi l’ouverture H24 de l’aéroport a-t-elle été selon plusieurs sources, un critère déterminant dans le choix de Liège ?

Plus globalement, on voit que l’avenir économique de Liège est aujourd’hui beaucoup trop largement misé sur un secteur, celui de la logistique, dont la dépendance au pétrole bon marché et le gigantesque impact climatique devraient alerter tout le monde. Cette nouvelle monoculture économique expose la région liégeoise à un nouvel effondrement, le jour où le modèle du fret aérien à bas coût ne tiendra plus — et il faut qu’il cesse le plus rapidement possible si nous voulons que la planète reste vivable pour les prochaines générations.

François Schreuer
Conseiller communal de la Ville de Liège (VEGA)