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Mais pourquoi ont-ils oublié Jaurès ?

Ce jeudi 31 juillet, il y aura exactement un siècle que Jean Jaurès a été assassiné. Figure centrale du camp de la paix, son assassinat a contribué à laisser place à l’absurde déferlement belliciste dans lequel l’Europe s’est autodétruite pendant trente ans.

À Liège, les prochains jours seront marqués par d’importantes festivités et commémorations, mais la tonalité choisie laisse pantois : il s’agit de recréer l’« ambiance » de 1914. On trouvera un « trivial pursuit géant », des danses traditionnelles et des musiques militaires, un « bal populaire », des balades littéraires, une brocante d’objets civils et militaires, la reconstitution d’un bivouac dans les tranchées, une démonstration d’anciens métiers, etc etc.

Mais nulle part, dans le programme concocté sous l’égide de la Province de Liège il n’est question de comprendre et d’interroger les causes de cette guerre pas plus que de prendre la mesure des conséquences abominables qu’elle a eue sur des millions de personnes, traitées comme de la simple chair à canon dans des combats qui n’avaient guère de sens, et sur le destin de tout un continent. Nulle part, dans cette programmation consensuelle, le militarisme, le nationalisme, l’expansionnisme belliciste ne sont remis en cause, ni même simplement évoqués comme les ferments de cette guerre. La lecture proposée est joviale et patriotique.

Sans doute l’histoire dérange-t-elle encore et ne faut-il pas gêner les prestigieux invités qui viendront à Liège ce lundi. Sans doute est-il malvenu de rappeler que c’est par Hindenburg, héritier de l’Allemagne bismarckienne, que Hitler a été mis au pouvoir ; sans doute est-il malvenu de rappeler le vote des crédits de guerre par les sociaux-démocrates allemands ; sans doute est-il peu opportun de rappeler l’alliance de la France républicaine avec la Russie tsariste ; sans doute serait-il délicat de relativiser l’importance de l’Alsace et de la Lorraine face aux massacres justifiés en leur nom ; sans doute ne faut-il pas rappeler l’opposition implacable que Jaurès fit au « belliciste » Clémenceau, lequel est aujourd’hui cité en exemple par le Premier ministre français.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la figure de Jean Jaurès, comme celles de tous les internationalistes et pacifistes qui ont tout fait pour empêcher cette guerre, aient été prudemment, diplomatiquement, mises de côté.

Cela reste néanmoins éminemment regrettable. Car de la manière dont on construit la mémoire collective dépend l’avenir qu’on aura à vivre. Dans cette optique, le message qui sera envoyé ces prochains jours vers les jeunes générations est inquiétant.

Lire aussi : Quelle mémoire de la guerre 14-18 ? Pour une « rue de la Paix » à Liège , question écrite du 5 mars 2014.