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Le virus est comme une avarie : il faut réparer tout de suite quand ça fuit

N’ayant plus guère l’occasion de croiser grand-monde ces derniers jours, c’est sur les réseaux sociaux que je lis nombre de mes contacts, plus ou moins proches, exprimer leurs doutes. Je lis : « Une fois le deuxième confinement passé, ça recommencera. C’est sans fin... ». Ou encore : « Admettons que ces mesures fonctionnent : que va-t-il se passer ensuite ? ». Et tant d’autres du même tonneau.

Le moins qu’on puisse dire est que l’absence de stratégie claire et les errements communicationnels de nos gouvernements désorientent profondément un nombre important d’entre nous. Au-delà, à très court terme, du respect des mesures barrière, je pense que la grande majorité de nos concitoyens ont de grandes difficultés à se projeter dans l’avenir. Pouvons-nous encore planifier quelque chose pour dans quelques semaines, quelques mois ? C’est particulièrement difficile.

Dans ce contexte, il me semble absolument essentiel de dire qu’il est possible de contrôler ce virus, que plusieurs pays dans le monde y parviennent — dont certains ont été exposés en première ligne au virus, donc n’ont pas eu les semaines que nous aurions pu utiliser pour nous préparer —, mais qu’il faut pour cela adopter une stratégie de suppression, c’est-à-dire faire le choix de ne pas laisser circuler COVID19 parmi nous, tout simplement.

Je pense qu’une métaphore peut aider à comprendre pourquoi. Nous sommes comme un bateau qui serait victime d’une avarie dans sa coque : l’eau commence à pénétrer entre les bordages et vient s’accumuler en fond de cale, alourdissant le bâtiment, ralentissant la manœuvre. Sous le poids, la coque se déforme, ouvrant d’autres brèches et rendant peu à peu la situation impossible à gérer.

Certains pourtant nous expliquent, nous ont abondamment expliqué, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter tant que l’eau n’a pas atteint le moteur (l’hôpital), que colmater la brèche serait du temps perdu — que nous devons apprendre à « vivre avec le virus » (sic) —, que l’essentiel est de continuer à avancer, coûte que coûte, et qu’il sera toujours temps d’agir si le moteur donne des signes d’essoufflement. Là est, à mon avis, l’erreur fondamentale que commettent, depuis le mois de janvier, nos gouvernements, à l’inverse de ceux du Japon, de la Corée ou de la Nouvelle-Zélande, entre autres. Parce que quand le moteur est atteint, il est trop tard pour agir efficacement.

Au bout d’un moment, nos capacités à écoper s’épuisent, le moteur est submergé, le bateau n’avance plus, se met à gîter et c’est le naufrage. La seule solution est de renflouer, c’est-à-dire de confiner l’ensemble de la société. Mais le renflouement ne répare pas l’avarie : il offre seulement la possibilité de le faire.

C’est ce qui s’est passé au printemps : ayant laissé la situation dégénérer au point de ne plus rien contrôler, nous avons été forcés de renflouer, avec un confinement. Mais il aurait fallu, à ce moment, calfater la coque, former l’équipage à la réparation des avaries, c’est-à-dire mettre en place un dispositif de testing/tracing. Ce ne fut pas fait. La bénévolence et la pusillanimité qui caractérisent beaucoup trop de décideurs belges — mais #KeepSophie, n’est-ce pas ! — les ont conduit à se satisfaire de peu, à ne pas du tout anticiper le grain qui pointait inévitablement à l’horizon avec la rentrée scolaire et universitaire et le retour de l’automne.

Le résultat, nous l’observons aujourd’hui : les hôpitaux sont à deux doigts de craquer et l’eau monte beaucoup trop vite pour que nous puissions encore la faire baisser par les moyens qui auraient suffi si nous avions décidé de traiter le problème il y a un mois, il y a trois mois.

Alors, oui, il va falloir renflouer, une deuxième fois, mais il va surtout falloir faire le choix, très ferme, de ne plus tolérer ensuite la moindre brèche, de placer notre seuil de tolérance à la circulation du virus BEAUCOUP plus bas que ce que nous avons fait jusqu’à présent. Ce faisant, nous pourrons retrouver une vie quasiment normale, les écoles — qui sont de fait à moitié à l’arrêt pour le moment — pourront retrouver un rythme normal et un niveau de stress compatible avec l’apprentissage, nous retrouverons des foules dans les stades et les festivals. Et l’économie sera considérablement moins fragilisée que si nous continuons comme nous le faisons actuellement.

Il n’y a pas de fatalité : même sans vaccin, nous pourrons encore naviguer. Mais, pour cela, il nous faut un cap, une stratégie. C’est le plus urgent.

 

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