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Intervention générale sur le budget 2015

NB : je reprends ici mes notes, rapidement transformées en texte, pour que celles et ceux qui le souhaitent aient une idée de ce que j’ai raconté. Mais, comme le plus souvent, mon intervention orale était plus détaillée.

1. Remarques générales

1.1. Permettez-moi de commencer cette intervention par un hommage au fantôme de l’autonomie communale. Car ce fondement de notre ordre constitutionnel, cette garantie essentielle, est en train de disparaître, comme ce budget en témoigne de façon évidente. À tous égards, une commune – et les grandes villes semblent plus encore que la moyenne concernées par cet état de fait – est aujourd’hui totalement dépendante des niveaux de pouvoir supérieurs. Ce budget en est une fois de plus la démonstration.

1.2. Le contexte est à de toute évidence à l’austérité. La Ville est — comme tous pouvoirs locaux — victime de l’austérité décidée — contre toute raison économique, car cette politique est gravement contreproductive, en enfonçant l’Europe dans la stagnation économique si ce n’est la récession – par les autorités politiques européennes, belges et régionales. Elle en est victime directement, par la baisse des transferts, mais aussi indirectement de multiples manières : par le ralentissement de l’activité économique, par des mesures dont elle va devoir assumer les conséquences (notamment au niveau du CPAS), par la baisse des subventions allouées par d’autres niveaux de pouvoir à divers opérateurs remplissant des missions utiles sur son territoire. Cette austérité, nous ne la supportons que grâce à des mesures one shot, non reproductibles dans la longue durée, comme la vente de bâtiments ou un recours accru à l’endettement. Par définition, cette politique n’est pas tenable dans la durée. Par définition, elle hypothèque l’avenir, faute d’être en mesure d’affronter aujourd’hui le caractère inique de l’austérité. Ce que je vous reproche n’est pas tant de prendre ces mesures – sans doute n’en avez-vous guère le choix – que de ne pas en tirer les conclusions politiques et sociales qui s’imposent.

1.3. Ma troisième remarque concerne l’emploi public. Vous annoncez donc le non-renouvellement d’un agent sur deux — avant d’ajouter, pour nuancer ou pour brouiller la lecture, que ce non-renouvellement est à calculer à l’aune du coût salarial, et, un agent jeune coûtant moins qu’un agent en fin de carrière, que le renouvellement sera donc un peu plus important. Reste le principe barbare — excusez-moi du terme, mais on ne s’est pas privé de l’utiliser quand Sarkozy a mis en œuvre ce principe, je ne vois pas pourquoi je changerais mon appréciation aujourd’hui – de ce non-renouvellement linéaire, qui ne dit rien de la réalité du travail dans les services de la Ville, qui ne dit rien des gains de productivité — sans doute réels, et qui peuvent parfois justifier la réduction de la taille d’un service — ni des nouveaux besoins. Quelle est votre vision de l’évolution souhaitable de l’emploi à la Ville de Liège ? Vous me dites que vous en avez une, mais vous ne nous la communiquez pas. En attendant, je constate que l’emploi va décroître, et je pense que cela se fera au détriment du service rendu au citoyen, au détriment des travailleurs de la Ville, qui devront assumer une charge plus lourde pour compenser les départs, et au détriment de l’emploi en général.

1.4. Une remarques positive quand même : je suis assez impressionné par le travail réalisé dans l’optimisation des dépenses, que ce soit au niveau de l’informatique, des bâtiments, du chauffage, des assurances, des archives, etc. Mais fallait-il vraiment qu’on se retrouve dans une situation aussi difficile pour que vous vous rendiez compte que certains bâtiments scolaires étaient chauffés d’une façon qui défie l’entendement ?

1.5. Dexia. On ne peut s’empêcher de rappeler ici combien il est regrettable que la Ville ait refusé de même examiner la possibilité de faire valoir ses droits au plan judiciaire dans la faillite de Dexia. L’argent qu’il aurait, le cas échéant, été possible de récupérer par ce biais, on voit aujourd’hui combien il aurait été précieux.

2. La dette

J’ai écouté attentivement vos explications, et pourtant la situation reste très opaque à mes yeux. Que vous refinanciez la dette, c’est de bonne politique, mais que vous en profitiez pour l’étaler dans le temps, ça semble déjà plus discutable. Ce que je constate, en tout cas, c’est le manque important de transparence dans la gestion de cette dette. Il est très difficile à l’opposition d’obtenir des informatiques claires et précises — un tableau synthétique de toutes les lignes d’endettement, par exemple — sur la situation. C’est l’une des raisons pour lesquelles je voterai contre ce budget.

3. Les pensions

La situation difficile dans laquelle on se trouve ici la Ville n’est pas due uniquement à l’austérité, mais aussi à son manque de prévoyance en matière de pensions. VEGA avait d’ailleurs interrogé le Collège il y a un an et demi à ce propos, concernant le mécanisme qui aujourd’hui met la Ville en difficulté. Il est difficile de croire que le Collège ne mesurait pas l’impact à venir des pensions du personnel statutaire. Il est donc difficile de comprendre que cela n’ait pas été plus anticipé.

4. La fiscalité

Concernant les recettes nouvelles, je pense qu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que les choix posés — l’augmentation du PRI et des taxes sur le stationnement — étaient doute les moins mauvaises solutions. J’avoue d’ailleurs ma curiosité sur les solutions que propose la droite — qui s’est beaucoup époumoné pour dénoncer ces taxes nouvelles mais n’a pas expliqué, me semble-t-il, comment elle ferait pour mettre le budget à l’équilibre.

1. Augmentation du précompte immobilier (« PRI »). Dans un contexte où la Ville est obligée d’augmenter ses rentrées, choisir d’augmenter le PRI plutôt que les additionnels à l’impôt sur les personnes physiques (IPP) semble un moindre mal. Qui appelle cependant certaines nuances. Les disparités dans le revenu cadastral, qui est loin de refléter de manière homogène la valeur des biens immobiliers, posent en effet la question de l’égalité de tous devant l’impôt. Un alourdissement des centimes additionnels sur le Précompte immobilier aggrave ce problème.

2. Taxe sur le stationnement. La majorité reprend, quasiment exactement (le seuil de 50 places de stationnement en-dessous duquel la taxe ne s’appliquera pas semble élevé), une mesure que la Coopérative politique VEGA défendait (et était seule à défendre) dans son programme politique lors des élections communales1. Cette mesure aura des effets positifs, notamment en rétablissant une concurrence moins injuste entre les centres commerciaux de la périphérie et les cœurs commerciaux historiques (non seulement l’hypercentre, mais aussi les noyaux commerçants périphériques, à Chênée, Jupille, etc). Elle ne nous semble cependant légitime que si, parallèlement, des mesures sont prises pour faciliter les alternatives à la voiture en matière de mobilité (nous soutenions que cette taxe devrait permettre de financer la gratuité du transport en commun local pour les habitants de la Ville) et pour augmenter la présence de services dans les quartiers. Ce qui n’est pas le cas ici.

5. Quelle dynamique pour l’immobilier ?

Plusieurs mesures concernant l’immobilier : augmentation du PRI, suppression de la taxe sur les nouvelles constructions (alors que plusieurs projets immobiliers très importants sont imminents, le manque à gagner ne sera pas mince), statu quo (à confirmer) sur la question des immeubles inoccupés, maintien des primes à la rénovation à un niveau très bas. Ces mesures vont, dans l’ensemble, favoriser les constructions nouvelles par rapport aux rénovations. Est-ce que c’est dans ce sens que nous souhaitons aller ? Cette politique répond-elle à l’immense enjeu de la reconversion du parc immobilier ancien des quartiers centraux, qui est souvent dans un état assez médiocre, quand ce n’est pas carrément insalubre ?

6. Le CPAS

Constat d’une réduction du transfert de la Ville : totalement incompréhensible dans le contexte actuel. La mise à disposition du CPAS de 20 agents de la Ville va sans doute aider le CPAS à gérer l’arrivée des allocataires d’attente en fin de droit ; elle ne va pas donner les moyens nécessaires à répondre à leurs besoins.

Voir aussi : Compte-rendu du Conseil commun Ville-CPAS.

7. Transition

Amorcer la transition. Dans les circonstances que nous connaissons, la priorité devrait être de réaliser des investissements permettant aux Liégeois de réduire leurs dépenses quotidiennes en matière de logement, de mobilité, d’alimentation, etc. Organiser la transition, loin d’être seulement un enjeu écologique, est un enjeu social de premier plan. Faciliter les alternatives à la voiture (accélérer la construction de pistes cyclables et augmenter leur qualité, réduire le prix du transport public et déployer le réseau TEC, etc), soutenir les circuits courts et l’auto-production alimentaire locale, soutenir beaucoup plus massivement l’isolation des logements, mettre en place une structure communale de production d’énergie verte, développer les réseaux de chaleur, etc.

8. En conclusion

Je ne peux, pour terminer, qu’en revenir à la plus grande généralité. L’austérité est une bêtise. Elle est non seulement injuste, elle est aussi inefficace et même gravement contre-productive. C’est pourtant en son nom que nous souffrons aujourd’hui… pour rien. Pour rien car, de toute évidence, la dette colossale qui s’est accumulée à l’échelle européenne ne sera jamais payée. La seule raison d’être de la politique économique qui prévaut aujourd’hui en Europe, c’est de garantir la rente, de garantir la rente des retraités par capitalisation du Nord de l’Europe. C’est une politique qui va contre l’intérêt général de tout un continent. Rappelons-nous que la démocratie est née en Grèce de l’abolition des dettes. Je commence à craindre qu’elle ne s’éteigne, dans les années à venir, du refus intangible de la remettre en cause.

Documents à télécharger : Budget ordinaire 2015 Budget extraordinaire 2015 Budget police 2015 (note de synthèse).

 

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