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Compte-rendu

À propos de la demande de permis unique du tramway

Après celle du 1er février, après l’adoption de la convention « public-public » liant la Ville et la SRWT lors du Conseil communal du 25 février, une nouvelle commission réunie du Conseil communal s’est tenue ce jeudi 28 mars au Grand Curtius, en présence de Jacques Bertrand (SRWT), de Pierre Tacheron (Transitec) et de Daniel Boden (Atelier du Sart-Tilman). Elle visait à présenter, en primeur, le contenu de la demande de permis unique relatif au projet de tram, qui a été déposée le 18 mars dernier et qui sera, entre le 15 avril et le 14 mai (nouvelles dates annoncées aujourd’hui) soumise à enquête publique.

Si, cette fois-ci, nous avions l’étude d’incidences en mains (elle est téléchargeable en ligne depuis quelques jours), l’échevin Firket a d’emblée refroidi tout le monde en annonçant qu’il était hors de question de débattre du projet (ni d’aborder le sujet de la réorganisation du réseau de bus), que la soirée était consacrée à l’information des conseillers et que seule des questions d’éclaircissement seraient acceptées. J’avoue qu’à entendre ce menu, j’ai songé à consacrer ma soirée à de plus riantes perspectives,… Je suis néanmoins resté, me disant que vous apprécieriez, vous qui me faites l’honneur de me lire, d’être tenu au courant.

C’est là un constat que j’ai déjà eu l’occasion de faire à plusieurs reprises : le Conseil communal, dans son fonctionnement actuel, ne dispose que de fort peu d’autonomie dans la détermination de son ordre du jour ou dans les limites qu’il fixe à ses débats, que ce soit en séance publique ou en commission. C’est quelque chose qu’il faudra changer : c’est à mon sens aux conseillers, de façon collégiale, qu’il revient de déterminer les questions abordées par le conseil, de choisir les personnes qu’il souhaite auditionner et les questions que l’on peut ou pas leur poser. J’y reviendrai.

Observations

Le tracé commence à être archi-connu et je ne vais pas y revenir de façon détaillée. Je note cependant au vol quelques informations utiles ou nouvelles saisies pendant l’exposé.

Sclessin. Demeure depuis les premières versions du projet une impression générale d’entassement, alors qu’on aurait espéré une vaste esplanade devant le stade, permettant au tram de s’en éloigner un peu (et donc, notamment, de rester en fonction les soirs de matches). Le P+R vient très fort refermer l’espace. On note qu’une voirie automobile est de nouveau présente le long du stade entre la rue de la Centrale et le pied de la route du Condroz, en direction du centre.

Vue 3D réalisée par l’auteur du projet à hauteur du stade du Standard. Source : annexe graphique du résumé non-technique de l’étude d’incidences sur l’environnement.

Val-Benoit. Pas de tourne-à-gauche pour entrer sur l’autoroute en direction des Ardennes pour les usagers venant de la place Leman (qui devront aller jusqu’au rond-point et rebrousser chemin).

Place Leman. Les arrêts de bus viennent s’insérer entre les deux voies de tram. Toute la place fonctionnera sans feux de signalisation (pour éviter des phases d’attente trop longues, en raison de la complexité du schéma). Toujours pas de possibilité pour les voitures d’aller vers Cointe ou Sclessin depuis l’Est de la place (rue du Vieux Mayeur, avenue Digneffe,…). Tout doit passer par le quai (qui permettra, il est vrai, des échanges beaucoup plus nombreux avec le quartier). Le contrefort aveugle des voies de chemin de fer situé face à l’avenue Digneffe sera aménagé en « mur vert ».

Esplanade des Guillemins.

Esplanade des Guillemins. Le tram traverse toujours l’espace en diagonale, rendant donc celle-ci largement inutilisable pour l’organisation de manifestations publiques (malgré l’existence de variantes mentionnées dans l’étude d’incidences). On note cependant une amélioration notable des aménagements paysagers sur l’ensemble du site, par rapport aux plans précédents, dans l’esprit du réaménagement des quais par Corajoud et consorts (impression sur plan, mais aucune vue 3D n’a été présentée : à confirmer, donc).

Blonden. Le tram passera sur le toit du futur tunnel automobile, ce qui permet le maintien de l’allée plantée et du jardin réalisé par Corajoud et consorts. J’applaudis à cette heureuse amélioration.

Charlemagne. On note une coupure complète des circulations automobiles locales entre les quartiers Piercot et Botanique. Ici comme ailleurs, forte impression que l’urbanisme est dessiné pour maintenir la fonction de pénétration urbaine (accès aux parkings de l’hypercentre) en tenant très peu compte des besoins des riverains du tracé.

Lonhienne. « La seule station de 64 m ; les autres — qui feront finalement 40 m — pourront être allongées par la suite » (Daniel Boden). J’avoue ici ma perplexité. Car le choix de la longueur des stations a une incidence considérable sur les aménagements urbains (puisqu’il faut adapter les rayons de courbure pour permettre une station parfaitement droite sur la longueur souhaitée, plus des marges techniques, condition à l’accès de plein-pied). Le raccourcissement des stations avait été présenté comme un sérieux allègement des contraintes (permettant notamment de sauver des arbres, de s’insérer plus facilement dans les espaces existants). Faut-il comprendre que la possibilité de revenir à 64 m implique que le tracé est à nouveau hyper-contraint ? Je n’ai pas eu l’occasion de poser la question mais il sera important d’y revenir.

Opéra. On note la réapparition d’une voie automobile sur la place de la République française (qui reste un terminus bus dans l’état actuel des choses), pour permettre la sortie du parking opéra, si j’ai bien compris. Les abords de l’Opéra seraient aménagés en « espace partagé » ; si ça se confirme, ce serait une belle évolution par rapport à l’aménagement actuel, particulièrement peu amène au piéton (et conçu, rappelons-nous-en,… par le même Atelier du Sart-Tilman).

Feronstrée. On note qu’une nouvelle entrée sera aménagée pour le parking St Georges, dans la rue Saint-Jean-Baptiste (ce qui constitue un argument — de plus — en faveur du passage à double voie par Feronstrée, soit dit en passant). Quant au parking de la Cité, il sera accessible les jours de Batte via la rue des Mineurs et la rue du Pont.

Quai de Maastricht

Quai de Maastricht. La trémie est comblée. Quatre emplacements de déchargement pour autocars aménagés devant le Curtius (à la place de ceux qui disparaissent place des Déportés, on le suppose).

Bressoux. Il se confirme qu’on va faire du grand n’importe quoi. Aucune vision d’ensemble ne permet d’envisager une articulation cohérente entre les différentes fonctions prévues (Nouveau bâtiment de la Foire internationale de Liège, P+R de 900 places branché sur l’autoroute, dépôt et site de maintenance du tram, parc d’activité dans le domaine alimentaire,…). Le ponpon absolu, sur ce site pourtant hautement sensible, c’est l’absence d’un réel lien piéton entre la gare de Bressoux et la station de tram. Plus que jamais, la SNCB et la SRWT s’ignorent mutuellement.

Questions

En dépit du cadenassage du débat annoncé par l’échevin, j’ai quand même eu l’occasion de poser une série de questions, que je rapporte ici avec les réponses que j’ai reçues.

1. Comment prévoyez-vous l’insertion de la ligne 2 (dont un tracé précis est disponible dans l’étude Transurbaine, qui précise une série de contraintes techniques) dans les aménagements que vous proposez, en particulier au niveau de la Place Saint-Lambert, de la rue Léopold, des Guillemins (implantation d’un terminus prévu dans la transurbaine) et de la place Leman (aiguillages vers l’avenue Digneffe).

« Il ne faut pas trop fantasmer sur la a faisabilité d’une ligne 2 ; car les voiries en Outremeuse sont trop étroites pour déployer du tram » (Pierre Tacheron) (je précise quand même que ceci est strictement faux et qu’il a été démontré, notamment, que la boucle en rive droite ou l’extension vers Chênée et/ou Angleur étaient réalisables dans de bonnes conditions sans la moindre expropriation).

« On envisage par contre une extension possible par la rue de l’université » (Pierre Tacheron)

« Placer un jeu d’aiguillage place Leman n’a pas de sens car c’est une pièce fragile qui s’userait avant qu’on en ait l’usage » (l’argument me semble recevable, même s’il serait très très souhaitable de marquer une volonté commune claire d’amener rapidement le tram vers la rive droite)

Je n’ai par contre pas reçu de réponse sur la rue Léopold et la possibilité d’implanter un terminus aux Guillemins.

2. L’alignement de plans d’eau sur la place des Guillemins (entre l’arrêt de tram de et les arrêts de bus) va de toute évidence nuire à l’intermodalité. Ne serait-il pas souhaitable d’améliorer les cheminements piétons sur la place ?

Même si les plans qui nous ont été présentés présentent toujours cet alignement de plans d’eau très contraignant pour le transit entre les différents modes de transport sur la place, il m’a été répondu que ce point avait été revu et que ma préoccupation était justifiée.

3.Les pistes cyclables, lorsqu’elles sont visibles sur vos plans, sont de simples marquages routiers et non des pistes cyclables séparées des voiries automobiles. Dès lors que la Ville de Liège est engagée dans la réalisation d’un ambition plan cyclable, ne serait-il pas souhaitable d’élever un peu le niveau d’exigences en matière d’aménagements cyclables ?

« Les emprises disponibles ne permettent pas, sur une grande partie du tracé, de faire des pistes cyclables séparées. » (Pierre Tacheron)

4. Est-il exact que vous envisagez de fermer la rue du Palais en semaine, pour éviter de saturer le carrefour du pied du pont Maghin, en amont ?

« En effet, c’est quelque chose qui est envisagé, mais pas le dimanche pendant la Batte » (Pierre Tacheron).

Mais pourquoi diable n’en parler que lorsqu’on vous interroge à ce propos, alors ? Y en a-t-il beaucoup d’autres, des surprises de ce genre ?

5. Les marchands de la Batte pourront-ils installer leur échoppes sur le tracé du tram, plus précisément sur le Gabarit libre d’obstacle (GLO) et entre le GLO et la Meuse ? Prendrez-vous en compte les contraintes techniques parfois assez fortes des camions des marchands ? Maintiendrez-vous la double allée de la Batte ?

« Oui, nous veillons à maintenir l’organisation de la Batte telle qu’elle existe, avec sa double allée. Des caniveaux techniques seront intégrés pour permettre l’implantation des échoppes, mais ce point relève plus des plans d’exécution que de la demande de permis » (Jacques Bertrand).

6. Ne serait-il pas possible de trouver un aménagement moins alambiqué pour permettre — au moins — le passage des bus venant du quartier St Léonard vers le pont Maghin sans devoir faire le tour par le quai et la rue des Aveugles ?

« Non. Il y a trop peu de marge à disposition, mais on veille à garantir une bonne correspondance avec le tram en entrée de ville (moins pregnant en sortie de ville) » (Pierre Tacheron).

Je note cependant que, dans l’étude d’incidences (dans l’annexe graphique du résumé non technique planche II.2.30, plus précisément), un schéma (reproduit ici) montre qu’un passage dans les deux sens pour les bus entre la rue Maghin et le pont est parfaitement possible.

7. Envisagez-vous de réaliser une passerelle au-dessus de l’ancien canal de Maastricht, à hauteur de la station « Rue-aux-chevaux », pour permettre l’accès à l’école Léona Platel (et accessoirement donner un meilleur accès au parc pour les habitants du quartier ? (ci-contre la localisation de la future station ; on distingue les bâtiments de l’école au Sud du canal).

« Non, ça ne rentre pas dans les budgets » (Jacques Bertrand).

8. Bressoux : ne serait-il pas souhaitable de veiller à conserver la possibilité de réaliser un franchissement ferroviaire de la Meuse à cet endroit (identifié parmi les priorités wallonnes en matière ferroviaires, cf. Étude Tritel ), en gardant une zone de réservation dont devraient tenir les différents aménagements prévus sur le site ?

« Notre projet ne tient pas compte de cette possibilité » (Jacques Bertrand).

9. Veillerez-vous à ne pas vous rendre dépendant d’un fabricant de matériel roulant dans le cadre de l’installation éventuelle d’une technologie sans caténaire sur une partie du tracé ?

« Oui. L’interopérabilité sera exigée de la part du prestataire (obligation d’accueillir du matériel roulant d’un autre constructeur sur la ligne et dans les dépôts et même d’en assurer l’entretien). » (Jacques Bertrand)

10. Que pensez-vous de l’option « Bovy-Fragnée » entre les Guillemins et l’avenue Blonden (hypothèse formulée par l’architecte de la place, Daniel Dethier), qui permettrait de maintenir l’esplanade dans une fonction récréative ?

« Nous ne nous prononçons pas sur les alternatives possibles. Nous ne parlons que du tracé que nous proposons et qui figure dans la demande de permis » (Jacques Bertrand).

11. Actuellement, l’arrêt Sainte-Marie est très utilisé par des usagers du quartier du Laveu, qui viennent à pied depuis la rue des Wallons ou la rue du Laveu. C’est notamment le cas de publics scolaires (Don Bosco), à une heure où le bus 21 est beaucoup trop chargé. Ces personnes vont perdre cet accès à la dorsale du transport en commun. Que prévoyez-vous comme alternative ?

« Ces personnes n’ont qu’à prendre le bus 21. Pour le surplus, votre question est hors sujet » (Jacques Bertrand)

Quelques conseillers du MR ont également posé des questions, notamment concernant la Batte, la présence de la caténaire dans le centre historique, l’organisation des terminus des bus devant de l’axe Cadran-Hocheporte, le fonctionnement de la place Leman ou le fonctionnement de la ligne les jours de matches au Standard. Sur ce dernier point, je dois dire que la réponse surréaliste (fermeture de la ligne les soirs de matches) me reste en travers de la gorge (notamment à l’égard des usagers du Sart-Tilman, qui devront transiter par Sclessin avec la coupure annoncée de la ligne 58), a fortiori si la ligne de tram doit effectivement être prolongée vers Seraing comme le prévoit la SRWT.

Conclusion

D’étape en étape, les analyses se confirment : ce tram est beaucoup moins pensé pour améliorer la vie dans les quartiers que comme un outil de pénétration urbaine. Dans bien des cas, il va accélérer l’entrée en ville pour les périurbains et contrarier (parfois fortement) les déplacements internes à la ville, notamment en coupant véritablement en deux l’espace urbain ou en reportant sur certains quartiers péri-centraux des nuisances dont il n’est tout simplement pas question dans le processus actuel.

Dans le même temps, Liège a absolument besoin de ce tram, qui peut enfin apporter une réponse aux usagers du TEC qui voyagent, sur certaines lignes, dans des conditions de plus en plus difficiles, pacifier l’espace urbain, amorcer un cercle vertueux en faveur du report modal,…

Le problème fondamental, c’est que la SRWT n’est pas à la hauteur de son rôle de maître d’ouvrage. N’ayant de fait de compte à rendre personne (ou en tout cas à aucun électeur), n’ayant statutairement pas la compétence de s’intéresser à autre chose qu’au transport, manquant de sensibilité urbaine, elle approche le dossier en technicienne qui segmente les problèmes là où l’on aurait besoin d’un opérateur capable d’effectuer une synthèse et d’intégrer le projet dans une vision de long terme. Nous payons ici — et cher — l’absence d’une Communauté urbaine, dont ç’aurait été le rôle.