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Délibération

CHB : la contre-motion

Ce lundi 30 mai, le Conseil communal débattra d’une motion déposée par le groupe MR en faveur du projet d’autoroute CHB.

VEGA ne peut évidemment soutenir un tel texte (voir à ce sujet mes explications en vidéo ). Voici donc le texte que j’ai déposé, sous la forme d’un amendement au texte du MR.

L’amendement consiste à remplacer l’ensemble du texte proposé par le MR par le texte suivant.

Considérant que la survie de l’humanité au-delà du présent siècle pourrait être compromise par l’exploitation de toutes les ressources énergétiques fossiles disponibles dans le sous-sol de la planète.

Considérant que l’humanité prend pourtant ce chemin et que seul un profond changement de cap, culturel et politique, est susceptible d’éviter le pire aux générations futures.

Considérant que l’exploitation du pétrole a des conséquences de plus en plus dramatiques sur les écosystèmes mondiaux (Alberta, Delta du Niger,…), déstabilise la géopolitique mondiale et conduit à une complaisance injustifiée envers diverses théocraties.

Considérant que le secteur du transport est celui qui pose, de loin, le plus de problèmes dans le respect des engagements pris dans le cadre des négociations internationales sur le climat.

Considérant que les pays les plus riches sur la planète, dont la Belgique fait partie, ont le devoir de prendre les devants dans cette indispensable transition énergétique.

Considérant que l’automobile est une technologie qui consomme beaucoup trop de matières premières pour le service qu’elle rend et que sa part dans l’ensemble des déplacements doit donc être significativement réduite.

Considérant que la part des déplacements réalisés en voiture dans l’agglomération excède, selon toutes les sources, au moins 80 %, ce qui place Liège dans le peloton de queue des grandes villes européennes.

Considérant que Liège, à la différence de Charleroi, Anvers, Gand ou Bruxelles, ne dispose toujours pas du réseau de transport en commun structurant dont elle a, de l’avis unanime, le plus urgent besoin.

Considérant que l’une des raisons de cette dramatique absence est d’ordre budgétaire.

Considérant que la première ligne de tram, si elle est réalisée, ne saurait être considérée comme un réseau structurant à l’échelle de la Ville, mais tout au mieux comme une première étape en direction de celui-ci (en dépit de la très faible prise en compte des enjeux intermodaux dont sa conception témoigne).

Considérant que, dans le fond de vallée, la rive droite de la Meuse compte plus d’habitants que la rive gauche, alors même que l’offre de transport en commun y est extrêmement faible, tant du point de vue qualitatif que quantitatif.

Considérant dès lors que la réalisation d’un second axe de tram (et non d’un mode moins capacitaire), entre Ans et Vaux-sous-Chèvremont via le centre de Liège — connu sous le nom de Transurbaine —, est indispensable au développement de la ville et au bien-être de ses habitants.

Considérant également la présence de la ligne de chemin portant le numéro 40, qui pourrait desservir demain les quartiers des Vennes, du Longdoz, d’Amercoeur, de Bressoux, de Jupille ou de Wandre, notamment.

Considérant encore la possibilité de voir mise en service une ligne de bus structurant reliant les quartiers de la rive droite au Sart-Tilman.

Considérant que, selon les comptages réalisés dans le cadre du nouveau Plan communal de mobilité de la Ville, 85% des automobilistes passant sur les quais de la Dérivation à hauteur de Droixhe ne sont pas observés aux Grosses Battes ou sur le Quai Mativa.

Considérant que ce chiffre n’intègre pas les déplacements réalisés à l’intérieur de ce périmètre mais utilisant pourtant les quais de la Dérivation.

Considérant par conséquent que l’immense majorité du trafic observé sur les quais de la Dérivation est du trafic de pénétration urbaine et non du trafic de transit.

Considérant logiquement que l’on ne saurait répondre à l’engorgement d’un axe de pénétration urbaine par la construction d’une grande rocade, a fortiori aussi éloignée que l’est CHB, que l’étude d’incidences sur l’environnement de l’autoroute précise d’ailleurs explicutement : « Le soulagement attendu sur les quais de la Meuse et de la Dérivation est intimement lié aux mesures dissuasives qui seront mises en place et sur l’amélioration de l’offre en modes de transport alternatifs. Si ces mesures ne sont pas mises en place il est plus que probable que ce trafic de transit perdurera. » (p. 898).

Considérant par contre que l’amélioration du service de transport en commun constitue une réponse crédible à ce problème d’engorgement, et de très loin la meilleure manière de soulager les riverains de la Dérivation.

Considérant de surcroît que le trafic de transit ne se concentre pas sur les heures de pointe, voire les évite, et contribue donc d’autant moins à la congestion observée sur cet axe.

Considérant que le même raisonnement peut être tenu (notamment sur base des chiffres, plus anciens mais convergents, de l’étude réalisée par le bureau STRATEC sur les effets de CHB) sur l’A602 et le tunnel de Cointe.

Considérant que CHB est un puissant vecteur de périurbanisation pour tout l’Est de l’agglomération liégeoise, et que plusieurs projets importants de lotissements, zonings ou centres commerciaux sont liés à la construction de cet axe autoroutier.

Considérant que la Ville de Liège a tout à perdre — à commencer par une partie de ses habitants — à voir se poursuivre ce mouvement de périurbanisation.

Considérant le désormais bien connu « effet d’appel », qui entraîne inévitablement un accroissement du trafic à l’ouverture de toute infrastructure routière.

Considérant dès lors que CHB aura pour effet, à moyen et long terme, d’accroître la pression automobile globale sur l’agglomération, ce qui pèsera inévitablement sur les habitants des quartiers centraux et notamment sur les riverains de la Dérivation.

Considérant l’existence d’une autoroute largement sous-utilisée donnant accès, depuis Liège, via Verviers et Prüm, au Sud de l’Allemagne, au Luxembourg, à l’Alsace, à la Suisse ou à l’Italie, qui pourra notamment être utile pour les camions desservant le Trilogiport.

Considérant que la plus sûre manière de réduire le nombre d’accidents mortels sur les routes est de réduire le nombre et la longueur des déplacements (par exemple en rapprochant les travailleurs de leur lieu d’emploi) et ensuite de réussir le transfert modal vers des modes moins dangereux que la voiture — et certainement pas de construire de nouvelles infrastructures routières.

Considérant que le « chaînon manquant » entre l’E40 et l’E25, évoqué dans divers textes émanant des autorités européennes, a bel et bien été réalisé avec l’ouverture de l’A602.

Considérant que la Région wallonne éprouve de très manifestes difficultés à entretenir son réseau existant, et que l’entretien de ce réseau semble nettement prioritaire à son extension.

Considérant que de nombreuses voiries régionales traversant la Ville de Liège ou d’autres espaces urbains devraient faire l’objet d’aménagements importants pour les rendre plus compatibles avec les besoins des habitants de la ville (par exemple sur l’axe Burenville-Cadran), mais que ces aménagements sont fréquemment considérés comme infinançables par le SPW.

Considérant que le Plan urbain de mobilité (PUM) n’a pas même été communiqué aux conseils communaux des 24 communes de l’arrondissement — et qu’il ne saurait en conséquence en aucune manière être considéré comme l’expression démocratique de ces communes.

Considérant qu’on ne peut décemment parler « d’enclavement » d’une région comme celle de l’est de Liège à moins de vouloir goudronner l’entièreté du territoire.

Considérant la déclaration de politique régionale 2014-2019 selon laquelle le Gouvernement entend « encourager les alternatives à la voiture individuelle ».

Considérant pour toutes ces raisons que l’autoroute CHB appauvrirait la Ville de Liège et dégraderait la qualité de vie de ses habitants.

Le Conseil communal :

— Demande au gouvernement wallon de concentrer les moyens disponibles sur le développement du transport en commun, en particulier par la réalisation de deux axes de tram, respectivement entre Jemeppe et Herstal et entre Ans et Vaux-sous-Chèvremont.

— Demande au gouvernement fédéral et à la SNCB de hâter la mise en service du REL, en mettant une priorité urgente sur sur la ligne 40, entre Liège-Guillemins et Maastricht.

— Demande au gouvernement régional de mettre un terme à toutes les procédures administratives visant à la concrétisation du projet CHB, en ce compris la zone de réservation prévue au plan de secteur.