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La piscine de Jonfosse, projet au rabais

Article paru dans le numéro de décembre 2014 de la revue A+.

Ne disposant plus que de deux piscines publiques sur son territoire depuis la fermeture des vénérables Bains de la Sauvenière, la Ville de Liège a cherché à construire, depuis le début des années 2000, une nouvelle piscine dans le quartier de Jonfosse, à un jet de pierre de la gare du même nom.

Sur un terrain public de 3 400 m2, remarquablement situé, un vaste projet était envisagé, incluant un bassin aux dimensions olympique et une fosse de plongée, qui aurait profité de la présence, attenante, d’un bassin scolaire, pour proposer un complexe sportif susceptible d’accueillir des compétitions internationales. Las, en 2011, le Collège communal a fini par conclure qu’en dépit des importants subsides régionaux, le projet, même considérablement revue à la baisse, constituait « une charge financière trop importante pour la Ville ». L’argument a justifié le recours au partenariat public-privé, de type DBFM. 

Fin 2014, alors que la demande de permis unique est imminente, le projet déçoit à bien des égards.

D’abord, là où l’on aurait attendu une programmation mixte, valorisant l’entièreté du volume disponible sur ce site de premier choix, le PPP a accouché d’un projet camus, plus bas que le bâti environnant, réduit au strict minimum (un bassin de 25 m, un bassin d’apprentissage, une « lagune de jeux », des bains publics et l’inévitable parking en sous-sol).

Au plan financier, même s’il est difficile de comparer un contrat incluant l’exploitation du bâtiment à sa seule construction, il est peu vraisemblable que ce PPP permettra à la Ville de réduire sa mise de fonds. La perte de contrôle, par contre, sera bien au rendez-vous. Et tout ce qui n’aura pas été explicitement prévu dans le contrat de base devra être négocié avec l’opérateur, non sans coût pour le pouvoir public.

Au plan environnemental, la piscine est présentée comme exemplaire par ses concepteurs (cogénération, pompe à chaleur, large usage de la lumière naturelle, etc.). On notera cependant l’occasion manquée qu’aura constitué la construction, dans le même mouvement d’une patinoire par la Ville de Liège. Sur le plan énergétique, les deux infrastructures auraient été particulièrement complémentaires. De même, en dépit des multiples signaux d’alerte lancés depuis plusieurs années sur les conséquences sanitaires de l’usage du chlore pour la désinfection de l’eau de baignade, aucun système de filtrage alternatif n’a été prévu.

Sur le plan sportif, si cette infrastructure sera bienvenue, elle sera loin de répondre aux besoins des Liégeoises et des Liégeois. Et Liège ne dispose toujours d’aucune piscine où organiser des compétitions de natation en grand bassin.

Enfin, le projet architectural est particulièrement peu convaincant. Et pour cause : une fois de plus, on n’a pas jugé bon d’organiser un concours ou même simplement de mettre en concurrence plusieurs projets architecturaux (c’est un marché d’ensemble qui a été passé, dans lequel l’architecture ne représentait qu’un élément annexe par rapport aux enjeux financiers).

Ces faiblesses et occasions manquées — qui mises bout à bout rendent le projet bien décevant — s’expliquent sans doute par différents facteurs. Tout au moins peut-on constater que s’engager dans un PPP sans disposer d’un projet solide — et laisser au ‘partenaire’ privé le soin de déterminer en bonne partie la forme et le contenu d’un projet public, pour la seule raison que l’on cherche à différer l’investissement, ne peut mener qu’à un échec.