Accueil > Interventions > Conférences de presse > Pour une nouvelle fusion des communes

Conférence de presse

Pour une nouvelle fusion des communes

Avec la Coopérative politique VEGA, nous avons donné hier — 2 avril 2014 — une conférence de presse sur la question de la supracommunalité. J’en reprends le texte ici.

Voir aussi le compte-rendu qu’en fait Philippe Bodeux dans le journal « Le Soir » de ce jour (et l’appréciation positive qu’en a l’économiste Bernard Jurion).

1. Introduction

1.1. La supracommunalité est — malheureusement — un véritable serpent de mer du débat public liégeois. On trouve cette thématique dans les discours depuis un nombre considérable d’années (au moins depuis la loi Chevènement de 1999, qui a unifié et systématisé les dispositifs supracommunaux français) sans qu’aucune avancée notable dans ce domaine n’ait été enregistrée à notre connaissance.

1.2. La volonté affichée de constituer une communauté urbaine à Liège (voire de généraliser le dispositif partout en Wallonie) se heurte cependant à un obstacle juridique de taille : pour faire autre chose qu’un gadget (telles ces asbl réunissant les bourgmestres à titre personnel dont il est beaucoup question ces derniers temps), une réforme de la Constitution est nécessaire. Et point n’est besoin de rappeler que celle-ci est loin d’être acquise vu le contexte fédéral. Faute de pouvoir avancer concrètement, on se perd en discours.

1.3. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que la Région wallonne ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’une politique de la Ville digne de ce nom — et, même si certaines publications sont à relever (CPDT, Institut Destrée,…) qui tentent de baliser le terrain, la régionalisation, désormais imminente, de la politique fédérale des grandes villes en Wallonie va s’opérer dans une impréparation inquiétante.

1.4. Le nouveau SDER a, entre autres choses, montré que la concurrence sous-régionale est plus forte que jamais en Wallonie. C’est un véritable danger pour les grandes villes, et pour Liège en particulier. Dans cette optique, force est de constater que la manière très différente dont s’est opérée la fusion des communes à Liège et dans le Hainaut, en laissant des entités beaucoup plus morcelées en Province de Liège qu’ailleurs, porte aujourd’hui préjudice aux villes de la Province de Liège.

2. La supracommunalité, pourquoi

La pertinence et la nécessité de mettre en œuvre des outils supracommunaux est à nos yeux évidente. Nous voyons principalement trois raisons à cela :

2.1. Mieux gérer des outils publics à une échelle pertinente (développement territorial, commerce, logement social, transports, distribution et assainissement des eaux, tourisme,…). Sur de nombreuses matières, les communes sont trop petites et la Région est trop éloignée. Une échelle située entre ville morphologique et le « bassin de vie » est l’échelle pertinente d’un certain nombre de politiques.

2.2. Encadrer les intercommunales, dont le fonctionnement actuel tend à la gestionnarisation — c’est-à-dire à la perte de la possibilité d’orienter leur fonctionnement sur base d’objectifs d’intérêt public — d’un certain nombre de grands enjeux. Permettre le débat démocratique sur cette gestion (donc instance élue, pluraliste, avec fonctionnement transparent, outils de participation citoyenne,….). Identifier un lieu où se discute un ensemble cohérent de politiques, là où la tendance actuelle est à la géométrie variable (des ensembles différents de communes sont constitués pour gérer des matières différentes, ce qui atomise la possibilité d’un débat transversal).

2.3. Défendre le fait urbain — et particulièrement la réalité urbaine liégeoise dans un contexte institutionnel et sociologique qui lui est structurellement défavorable.

3. Pourquoi l’asbl « Liège Europe Métropole » n’est pas une réponse satisfaisante

Après la « conférence des bourgmestres » asbl, devenue « Liège Métropole », les bourgmestres de la Province viennent d’annoncer la création d’une coupole, « Liège Europe Métropole », réunissant les conférences des bourgmestres des différents arrondissements de la Province.

Ce dispositif ne nous semble pas bon. Pour plusieurs raisons.

3.1. Parce que l’échelle retenue est uniquement basé sur le critère abstrait (et qui ne trompe malheureusement personne) du million d’habitants et ne correspond pas à une échelle pertinente pour la plupart des matières (et s’oppose à la logique des « bassins de vie » défendue par ailleurs) ;

3.2. Parce que la question démocratique en est complètement absente (logique des « hommes forts », choix de fait d’une structure de droit privé, délégation au… 4e degré, absence de toute publicité des débats, y compris pour les conseils communaux) ;

3.3. Parce qu’il existe un Conseil provincial à la même échelle, qui ne devrait pas être court-circuité. Si on estime que la Province est l’échelle pertinente, il n’y a pas de raison de mettre en place des structures supplémentaires.

3.4. Parce qu’il est permis de se demander si la loi est respectée. De deux choses l’une : soit il s’agit d’une asbl de droit public, et les articles 1234 et suivants du CDLD imposent une délibération des conseils communaux préalable aux principaux actes (y compris s’il s’agit de remanier l’asbl « coordination des pouvoirs locaux » déjà existante). Soit il s’agit d’une asbl purement privée, dans laquelle les bourgmestres siégeraient à titre purement personnel (ce à quoi il serait très difficile de croire) et l’attribution de moyens à cette asbl (ne serait-ce que la mise à disposition de personnel communal, qui est avérée), demande le respect de la législation sur les marchés publics — et au minimum une délibération en Conseil.

Bref, on peut entendre qu’il s’agit d’un outil qui pourrait être pertinent pour promouvoir une proposition au niveau wallon. En aucun cas, cette asbl ne peut par contre être envisagée comme outil opérationnel de politiques publiques.

4. Quel territoire ? Quelle échelle ?

L’enjeu principal, selon nous, est de mettre la réalité urbaine au centre des préoccupations.

Dans le paysage wallon, parmi les « grandes villes », Liège a un des plus petits territoires, tandis que bon nombre de ses communes périphériques dépassent en densité des villes comme Namur, Mons ou Tournai.

Ville Superficie Population Densité
Tournai 213,75 69 751 326
Namur 175,69 110 691 630
Mons 146,53 93 366 637
Charleroi 102,08 204 670 2005
Liège 69,39 197 013 2839
La Louvière 64,24 78 895 1228
Verviers 33,07 56 594 1711

Liège est donc logiquement — et de loin — la grande ville la plus dense de Wallonie. Dans ses limites géographiques actuelles, elle pourrait d’ailleurs repasser d’ici peu au-dessus du seuil de 3000 habitants au kilomètre carré (soit 208 000 habitants).

5. Ce que nous proposons

À moyen terme, VEGA plaide — comme d’autres formations politiques — pour la mise en place de Communautés urbaines et de Communautés de communes — avec élection directe ! — couvrant l’ensemble du territoire et destinées à remplacer progressivement les provinces. Ces institutions supracommunales devront disposer de ressources propres leur permettant de mener à bien des politiques propres et ambitieuses (l’exemple du « versement transport » français mérite à cet égard d’être, au minimum, étudié en détails). Nous savons cependant que les obstacles institutionnels sont importants (une réforme de la Constitution est nécessaire) tandis que les urgences sont fortes.

On ne peut donc se limiter à définir cet objectif très large et très lointain. Nous proposons aussi.

5.1. De porter des projets, ici et maintenant, à l’échelle supracommunale, en impliquant les Conseils communaux pour faire avancer certains dossiers clés pour l’avenir de l’agglomération liégeoise. Redéploiement du logement social. REL. Transurbaine. Accueil touristique. Nouvelle FIL.

5.2. De repolitiser les intercommunales. Au sens de refaire des matières qu’elles traitent des questions politiques. Ce qui passe notamment par la publicité des débats dans les instances de décision des intercommunales.

5.3. D’organiser une nouvelle fusion des communes, réunissant la Ville de Liège avec les communes de la première couronne (qui sont aussi celles dont la densité dépasse le seuil de 800 habitants au km2), pour atteindre une entité communale de 400.000 habitants.

Superficie Population Densité
Grand Liège 205,02 400 835 1955
Liège 69,39 197 013 2839
Saint-Nicolas 6,84 23 552 3443
Seraing 35,34 63 968 1810
Ans 23,35 27 813 1191
Herstal 23,54 39 242 1667
Beyne-Heusay 7,32 12 017 1642
Fléron 13,72 16 227 1183
Chaudfontaine 25,52 21 003 823

On note que la superficie de cette nouvelle Ville de Liège resterait inférieure à celle de la Ville de Tournai, par exemple. Sa densité serait quant à elle quasiment équivalente à celle de la Ville de Charleroi.

Pourquoi cette fusion ? Atteindre une taille critique permettant de financer des projets d’envergure. Mieux répartir le financement d’un certain nombre d’infrastructures et de services qui bénéficient à tous mais sont aujourd’hui assumés de façon plus importante par la Ville de Liège. Imposer au niveau wallon la réalité urbaine de Liège, qui est la principale ville de Wallonie mais est victime des habituelles politiques de saupoudrage des moyens ; Faire en sorte que la Ville-centre puisse, par sa taille suffisante, jouer un rôle de moteur des futurs organes de supracommunalité (quels qu’ils soient).

Nous notons que le même raisonnement pourrait être tenu pour la Ville de Verviers qui, en fusionnant avec seulement trois communes limitrophes, s’approcherait du seuil de 100 000 habitants.

Superficie Population Densité
Grand Verviers 96,50 87 460 906
Dison 14,01 15 331 1094
Pepinster 24,79 9 735 393
Verviers 33,07 56 594 1711
Limbourg 24,63 5 800 235

5.4. De mettre en place les Conseils de district (Conseils de quartier élus) que nous défendions déjà aux élections communales, au niveau infra-communal, avec des compétences locales. Parce qu’il manque de pouvoir d’un niveau très proche du citoyen, permettant de traiter de façon satisfaisante de nombreux petits problèmes de la vie quotidienne.